EMEUTE

Mon roman « Le réveil du crabe lune » sort aujourd’hui aux Editions Zonaires

EXTRAIT :

    Les rues de la cité étaient étrangement calmes malgré la rumeur trouée d’explosions sporadiques qui montait de la ville nouvelle. Le quartier semblait déserté. Soudain un groupe de jeunes a surgi au coin de l’immeuble. Ils sont passés devant nous en courant. Nous les avons suivis en crachant nos poumons.

    Plus on avançait et plus on entendait les cris, le hurlement des sirènes, et aussi des claquements brefs, des détonations sourdes répercutées en écho. Une lueur rouge passait au-dessus des immeubles. Gigantesque feu de Bengale.

   Les jeunes nous avaient distancés. Nous avons coupé par les pelouses, dévalé la colline. Une fumée opaque nous enveloppait. Une dizaine de garçons ont reflué vers nous en hurlant.

    – Ils ont bloqué la rue ! Il faut traverser la ligne du R.E.R.

    Nous avons suivi le mouvement. Deux cons essoufflés au pays de la guérilla urbaine ! De la passerelle qui surplombait le centre commercial on avait une vue imprenable sur l’esplanade du niveau trois que les policiers nettoyaient à coups de matraque. Une voiture brûlait devant le multiplex. Les pompiers gesticulaient derrière les flammes. Leurs formes noires traversaient par instants la fumée striée de bleu par l’éclat des gyrophares. Des groupes s’enfuyaient vers la haute ville. Pietro se tenait le côté.

    – On arrive trop tard, c’est la fin…

    Une cavalcade a fait vibrer la passerelle que nous finissions de traverser. Nous avons sauté en contrebas. Des ados arrivaient au pas de course suivis de près par une dizaine de malabars, tous vêtus de noir, le visage barré d’un foulard. Ceux-là brandissaient des manches de pioche, des battes de base-ball. Quelques secondes après eux, des silhouettes ont émergé de la fumée en courant sans qu’on comprenne de qui il s’agissait. Nous étions coincés. À quelques mètres de nous, un car de gardes mobiles interdisait l’accès à la gare. Nous avons gravi une pente arborée qui nous a ramenés au sommet de la colline. Une barre d’immeubles en demi-lune dominait un vaste terrain de jeux semé de bosquets. Au centre de la place, trônait une immense sculpture métallique. Des fenêtres s’éclairaient les unes après les autres sur la façade du bâtiment. On apercevait des gens penchés à leur fenêtre. Dans les coursives, ça galopait, ça criait.

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