Un recueil de nouvelles plutôt urbaines
Sous la photo, quelques avis de lecteur
B. Camus écrit :
Dans la lignée de son excellent précédent recueil « ’ivresse de la chute » Joël Hamm poursuit son exploration de l’âme humaine et de sa face sombre. Plus urbain et contemporain, cet opus offre des histoires à hauteur d’hommes et de femmes, à l’efficacité redoutable.
Le noir domine, mais comme dans la peinture de Soulages, c’est pour mieux traquer et réfléchir la lumière qui s’y révèle (par ses éclats d’humanité), celle-ci donnant toute sa profondeur à l’œuvre. Évidemment, je recommande fortement.
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Jordy Grosborne écrit :
Beaux moments d’évasions mais aussi de réflexions sur ce monde qui nous entoure, et sur ce que chacun cache dans ses pensées. De quels matériaux sont construit ces humains au-delà des apparences qu’ils renvoient…
Un recueil à découvrir dans le silence, ou avec une petite bande son jazzy à la Chet Baker ou Dexter Gordon, ou avec d’autres musiques plus sombres, plus rythmées tant les univers et les personnages basculent d’une phrase à l’autre de la mélancolie à la violence, de l’imaginaire en rêves pastels de l’enfance à la réalité noire et abrasive du monde ; les sens de chacun exacerbés comme le sont les écorchés vifs pour qui chaque stimuli de l’âme pénètre dans le cœur et les pensées.
On y retrouve la qualité et l’exigence du mot choisi, avec ce désir d’échapper aux facilités d’écriture, l’originalité et la richesse du vocabulaire qui caractérise le style de Joël Hamm. Aussi pointu et exigeant dans les domaines de la voile qu’en paléontologie. Avec cette dernière nouvelle qui résume l’état d’esprit global. Ces enfants qui adorent faire des ricochets au bord des rivières, cherchant la perfection de la rondeur des cailloux et galets pour défier les lois de la gravité en légèreté dans l’incertitude de l’onde suivante. Une façon de combattre le temps qui passe comme si on balançait violemment sa vie, sans savoir si elle va se noyer la seconde suivante, ou s’envoler loin.
Au-delà de la forme, toujours au service du fond, cette capacité à faire ressentir des émotions, des univers, à montrer la fragilité des choses, la noirceur du monde qui cache toujours quelques couleurs là où on s’y attend le moins. Tous ces fragments de vies meurtries, déchirées, qui se battent et comme autant de galets tentent tous de faire le ricochet de plus, poursuivre le voyage sur la surface du monde, entre envol et engloutissement. Cette manière de décrire la mélancolie imaginative et insouciante de l’enfance touche toujours, notamment dans cette promenade à bicyclette dans ce bel été à tuer, où chez Ugo, et dans « le poids du monde » qu’on ressent avec force dans chaque ligne du recueil. Avec aussi l’univers sombre des seconds couteaux, qu’ils mettent autant sous leur propre gorge que sous celles des autres. Toutes cette galerie de personnages à l’épaisseur telle qu’elle les empêche de passer entre les gouttes acides de la vie. Comme ce « Cheval volant », sur cette trajectoire d’étoile filante qui vient se disloquer dans l’atmosphère terrestre des bas-fonds. Et que dire de l’Endive, personnage si attachant…. Comme tant d’autres…
Il serait vain de les décrire toutes et tous ces êtres capturés dans la seconde où tout bascule, car finalement toutes ces histoires n’en font qu’une, comme si le lecteur était assis sur le parapet du monde et observait en recul la proximité des êtres qui se croisent et s’évitent, s’aiment et se détestent, mais qui tous sans le savoir construisent et détruisent leur destin.
Un recueil très réussi, très abouti, une belle fenêtre ouverte sur un monde « Pastel noir» … titre qui résume parfaitement que finalement la vie n’est souvent qu’une nuance de gris, avec toujours sur la noirceur des trottoirs, une lumière de réverbère quelque part. Après, faut-il faire ce pas de plus vers cette mise en lumière, dont on ne sais si elle sera pour mieux servir de cible ou capter un regard attentionné… ou vaudrait-il mieux rester dans l’ombre… Dans tous les cas, c’est de la vie.
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Emmanuel ROCHE
Il y a des choses que je connaissais déjà: le sens précis du vocabulaire qui fait vraiment mouche, l’ironie sombre aussi. J’aime beaucoup ce qu’apporte la première phrase : on est tout de suite happé dans l’univers de l’histoire qui va être racontée! C’est tout de même une règle essentielle mais pas forcément évidente et que j’admire chez des auteurs très différents (Marcel Aymé est, par exemple, un champion dans ce domaine!)
Dans « Pastel noir », j’ai trouvé dans l’ensemble les nouvelles plus crues, plus violentes, plus directes dans leur expression que dans « Ivresse de la chute ». Elles sont souvent plus ancrées dans la réalité contemporaine, en somme plus noires. C’est peut-être exagéré de parler de « polar » mais j’ai perçu cette coloration type « polar social » dans pas mal de nouvelles et là aussi ça donne une assez forte unité au recueil.