KEROU

Un extrait de mon roman « La vie, au contraire », en cours de correction

Plage du Kerou (Le Pouldu)

Elle escalada la butte rocheuse en glissant un peu sur ses tennis et s’assit sur le gazon ras qui poussait au sommet, jambes ballantes dans le vide. Des mouettes s’éloignaient à tire d’aile vers le flamboiement de l’horizon qui virait au violet. Pochade divine. La mer montante roulait avec fracas ses rouleaux sur toute la largeur de la côte et, de temps en temps, une lame plus forte résonnait au fond d’une cavité. Au bout de la plage, là où les rouleaux étaient les plus violents, quelques silhouettes de grenouilles noires, adeptes de bodyboard, rangeaient leur matériel. À l’horizon, les lumières de l’île de Groix commençaient à pointer dans le crépuscule.

   Alice avait un peu froid mais sa migraine s’estompait. Elle se revoyait naviguant vers l’île, son père à la barre de son vieux canot de bois équipé d’une voile au tiers et elle cramponnée au plat bord lorsque le bateau gîtait. Nostalgie et mal de mer en technicolor…

LUCIE

Extrait d’un roman en cours de correction

Presqu’île de Crozon

La veille, j’avais vainement essayé de la distraire de ses obsessions. Mes recettes habituelles ne fonctionnait pas et, quand à bout d’argument, j’ai lancé, bêtement : À quoi bon te prendre la tête inutilement. Ce qui est arrivé est arrivé, tu n’y peux rien. Tu n’es coupable de rien, elle s’est mise en colère. Sa fièvre n’arrangeait pas les choses mais je me demande encore comment j’ai pu lui parler avec autant de légèreté. Elle m’a toisée avec un sourire forcé.

   – Ouais, quand tu n’as que trois neurones, c’est facile…

   – Tu sais trouver les mots, Alice !

   – Excuse-moi Lucie, mais je ne suis pas du genre à laisser aller les choses sans essayer de les comprendre. Parfois, je me dis que tu es superficielle.

   – Mais je SUIS superficielle ! C’est ma philosophie. Cesse d’analyser le pourquoi du comment…

   – Avec le prénom que tu as, tu devrais faire preuve de plus de clairvoyance. La désinvolture est une manière de fuir les problèmes.

   – Au moins, je ne m’en invente pas. Peu importe ce qui s’agite dans les abysses, Alice – rime riche, tu remarques. – ce qu’on a sous les yeux suffit largement à notre compréhension du monde.

   – Je ne crois pas ce que m’a raconté cet homme sur mon père. Les gens trichent, se racontent des histoires, t’en racontent. Personne n’est sincère.

   – Merci, Alice. Moi, je t’ai toujours dit ce que je pensais. De toute façon, il est inutile de chercher un sens caché à ce que te disent les gens. Personnellement, je n’imagine rien, je crois systématiquement ce qu’on me raconte. Je prends tout au premier degré. C’est beaucoup plus simple et moins fatiguant que de chercher ce qui se cache derrière chaque mot. D’ailleurs, pas besoin de mots… Si tu observes la gestuelle de ton interlocuteur, la façon dont-il se tient en face de toi, tu as une idée exacte de sa sincérité. La vague est de la même eau que la mer toute entière.

   J’étais vraiment inspirée. De quel roman sortait cette phrase ? Était-ce vraiment le moment de philosopher, de pontifier alors qu’elle n’avait besoin que d’une épaule où s’appuyer, d’une amie compatissante ?

ALICE

Extrait d’un roman en cours de correction

Funambules (huile et pastel) J.H

Elle avait remarqué très tôt qu’il fuyait les conflits et tout ce qui lui posait problème. Ses rares amis, abusés par son apparente légèreté, louaient sa force de caractère, sa bonne humeur permanente alors qu’elle, toute petite, ressentait déjà son mal être. Elle avait appris à réfréner ses mouvements d’humeur et se gardait d’aborder les sujets susceptibles de provoquer ses interrogations ou ses peurs. Lui, par contre, vantait l’équilibre psychologique d’Alice, sa sensibilité, son caractère positif, sans se rendre compte, qu’assujettie à sa mélancolie, elle s’efforçait quotidiennement de lui dissimuler ses tensions internes.

METRO

Extrait d’un roman en cours de correction…

Elle prit le RER de la ligne B3 puis le métro. Elle était épuisée. Sa pensée était manipulée par un zappeur fou. Entre deux somnolences, elle subissait des images qui s’imposaient à elles, se chevauchaient, illogiques et obsédantes. Elle manqua de rater sa station et traîna péniblement sa valise à roulettes dans les couloirs puis dans les rues. Les passants qu’elle croisait étaient des hologrammes qui semblaient pressés d’en finir avec leur destin de fantôme.

ETANG

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

La surface sombre du bassin reformait son miroir autour de mes jambes. Il y flottait des particules végétales vieil or. Des punaises aquatiques nageaient sur le dos vers le fond. Je suis sorti de l’étang et j’ai étendu mes vêtements sur un buisson de ronces. Un nuage a éclipsé le soleil. L’étang a pris une couleur plombée, l’eau a perdu sa transparence. Les oiseaux se sont tus.

ENFANT

Extraits de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

Cette année là, elle avait voulu des tresses africaines, les mêmes que sa copine Leïla. Des tresses châtain clair, blondies au soleil et terminées chacune par un élastique de couleur différente. Elle levait la tête vers moi en mettant sa main en visière pour protéger ses yeux. Des yeux d’un bleu changeant, ceux de sa mère

…….

Pour Marie j’étais le héros qui avait réussi à faire bouger la roche tremblante à Huelgoat, un rocher de plus de cent tonnes. Le truc n’est pas sorcier mais elle n’en revenait pas.

EMEUTE

Extraits de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

Les Rémouleurs débordèrent Belarbi et Mercier, bousculèrent Malika, renversèrent les barrières, occupèrent la place. Deux audacieux, ceux qui avaient fait tomber la fille, foncèrent sur la porte du commissariat en se servant d’une barrière comme bélier. Le blindage ne broncha pas d’un millimètre.

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Le parking du centre commercial ressemble à un camp retranché barricadé de chariots empilés, de voitures incendiées qui obstruent tous les accès. Des casseurs, venus d’on ne sait où, ont forcé les portes de l’hyper-marché avec un camion volé.  Maintenant, c’est le pillage ! Nous allons descendre sur la place car la fumée dégagée par un véhicule en flammes gêne considérablement la vision…

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Une voiture brûlait devant le multiplex. Les pompiers gesticulaient derrière les flammes. Leurs formes noires traversaient par instants la fumée striée de bleu par l’éclat des gyrophares. Des groupes s’enfuyaient vers la haute ville.

DESSIN

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

Elle avait un sacré coup de crayon, Malika. Son geste sûr vous traçait des lettres impeccablement calibrées, ou encore il vous épinglait avec une caricature impitoyable. Elle avait appris à crobarder en copiant les bandes dessinées. Après Donald Duck et Largo Winch, elle était passée au portrait sur le vif. Elle devait être rapide pour croquer les frères et sœurs, surtout Walid, qui oubliait souvent de prendre sa Ritaline.

DESIR

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

Huile et pastel (Joël Hamm)

Il percevait sa respiration oppressée contre sa poitrine, sentait son parfum dans ses cheveux, luttant avec l’odeur du gin qu’elle exhalait de tous ses pores. Bientôt il s’était retrouvé en train d’essayer de dominer une érection tout en la serrant dans ses bras.

DENIKINE

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

Anton Denikine

Un héros charmant qui a semé la terreur avec sa troupe hétéroclite. Il brûlait les villages traversés, tuait moujiks et koulaks sans distinction, pillait, violait, éventrait… Je ne dis pas qu’en face, les rouges étaient des saints, mais ceux de Denikine ont laissé une traînée de sang et de cendre à travers la steppe dont on se souvient encore de la Crimée à Moscou. Une chevauchée semée de pogroms, longue de dix mille kilomètres et autant au retour quand ces nouveaux Huns sont revenus sur leurs traces fumantes, pourchassés par l’armée rouge. Denikine a réussi à fuir aux Etats-Unis où il est mort peu après la seconde guerre mondiale.

CRABE

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

1 – J’étais aussi causant qu’un crabe-lune. Et comme lui, je n’aimais pas qu’on me sorte de mon sommeil.

……………………………………………………………………………………………………………………………

2 – J’en pêchais parfois dans mes casiers. Je me souviens de celui que j’ai rapporté un jour, énorme. Je me réjouissais de le faire goûter à Marie mais elle a entendu les cognements du crabe qui se débattait dans la marmite d’eau bouillante. Elle s’est bouché les oreilles et a fui en pleurant.

COURRIER

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

Timbres

Disparu ce monde où le courrier postal était vital, où les gens prenaient le temps de communiquer, de réfléchir à ce qu’ils allaient écrire avant de passer à l’acte. Le dieu argent et ses démons du profit ont évangélisé jusqu’au moindre trou perdu.

COHABITATION

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

VOISINS

  

– Il y a des filles assez dingues pour cohabiter avec toi, Pietro ?

– Ben, tu serais surpris.    

– L’élégance en chemise à fleurs, parfumée à Eau de friture ! Tes voisins ne te font pas trop la gueule quand ils te croisent dans l’escalier ? Ils te goupillonnent à l’Air Wick ?

CITE

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

1 – Les immeubles se succédaient, un peu ragaillardis, mercurochrome et bleu de méthylène sur la plaie. La vie grouillait encore au creux de la blessure.

2 – Sur le pas de la porte défoncée, un gamin hébété était assis dans la pisse de chien. Un autre tirait sur un mégot. La fumée a chassé un instant l’odeur qui montait du sous sol. Vieilles urines, désinfectant, épluchures pourries. Ce sirop de vie n’avait rien d’un nectar.

3 – Je suis remonté à grandes enjambées vers le haut de la cité. Des enfants zonaient sous l’ombre des acacias, des vieux fumaient debout au coin d’une rue. Ils ont cessé leurs palabres à mon passage. Un chien a levé la patte contre une voiture privée de roues. Sur une chaise pliante, une africaine en boubou vert acide cousait une étoffe bariolée. Près d’elle, un minot déluré en maillot de bain lançait des pierres sur une boîte de conserve.

Retour sur le Café – lecture aux Accords du Lion d’Or

Un article et des photos de Gérard Morin dans « TOURNUGEOIS – VIVANT

Samedi 4 février 2023, Joël Hamm avait l’occasion de présenter des textes extraits de son roman « Le réveil du crabe lune » aux Accords du Lion d’Or à Simandre, dans la magnifique salle de bal devant une assistance nombreuse et attentive.

« Prendre le temps de se rencontrer, d’écouter des extraits à plusieurs voix engagés dans ce temps de partage simple et convivial au coin du poêle de la salle de bal ! », tel était l’objectif de ce moment privilégié.

Précisons que ce temps de rencontre était organisé et animé par la bibliothèque intercommunale de Simandre, La Frette et Ormes et par l’équipe des Accords du Lion d’Or.

Photo Gérard Morin – 4 février 2023

Une manière originale d’aborder le roman

Il s’est agi dans un premier temps de faire émerger quelques thèmes du livre à partir de quelques mots tirés au hasard du roman (la violence, l’amour, la nature, cauchemar, arbre, cadavre etc.)

Photo Gérard Morin – 4 février 2023

Les thèmes furent tirés au sort et plusieurs lecteurs, répartis dans l’assemblée, lurent de courts extraits, illustrant chacun des thèmes, dans un esprit de complicité, de décontraction et d’humour.

Ensuite les extraits ont porté sur les personnages du livre : Leguen, Mathis, Sitbon, Léa, L’Endive… puis sur les paysages. Joël décrit à merveille aussi bien des paysages de Bretagne que les environnements de zones urbaines en banlieue parisienne, la cité des Rémouleurs, le quartier de la MJC…

Cette première partie de la rencontre avait commencé par la lecture à plusieurs voix du prologue du roman.

Photo Gérard Morin – 4 février 2023

Écrire…être publié

Après un moment de convivialité autour d’un thé, d’un café et de petits gâteaux, Joël Hamm nous a parlé de son activité d’auteur de nouvelles, de sa participation à des concours (son recueil « Ivresse de la chute » a été lauréat du Prix Boccace de la Nouvelle 2020), des difficultés pour les auteurs de se faire éditer et enfin de l’intérêt d’être accompagné par une maison d’édition indépendante (Zonaires éditions) dirigée par Patrick L’Ecolier qui ne ménage pas ses efforts pour promouvoir les œuvres des auteurs qu’il publie.

Joël a répondu à des questions sur ses choix, sur ses techniques d’écriture, sur sa manière de créer des personnages, sur les relectures dont il a bénéficié…

Photo Gérard Morin – 4 février 2023

Au final, une soirée très riche, une autre manière d’aborder un livre.

Il y a en effet l’exercice de lecture habituel sur le mode linéaire, que nous pratiquons tous et qui consiste à tourner les pages l’une après l’autre, d’une seule traite ou par petites tranches de disponibilité, jusqu’à la dernière.

Cet après-midi, l’exercice de lecture-partagée de courts extraits d’un livre nous a révélé une autre manière d’aborder un roman. L’histoire ne compte pas puisqu’elle a été volontairement mise de côté de manière à préserver l’intérêt du futur lecteur. C’est donc le style qui prime, les petites touches flamboyantes, comme en peinture, la manière de faire jaillir l’émotion, les associations et les télescopages de mots, la puissance évocatrice de la langue, l’agencement méticuleux des thèmes, révélateur d’une certaine vision du monde de l’auteur…

Bref toute l’alchimie de l’écriture prend la lumière dans ce type de café-lecture.

Gérard MORIN

CHARCUTERIE

Extrait de mon roman « Le réveil du crabe lune » publié par Zonaires éditions…

Au fil du temps, je posterai des mots tirés de ce roman, à la manière d’un « abécédaire »

Un jour, je suis revenu avec un sac chargé : saucisson, jambon, baguette, chocolat, un litre de vin rouge, des malabars… Le tout acheté avec les sous glanés comme d’habitude dans le porte monnaie de ma mère ou les poches de mon père. Zoubir a protesté.

   – Du porc ! T’es maboul ! Mon père va me tuer !

   – Pourquoi il saurait ? Tu vas lui raconter ? En plus, c’est du cheval. Je te jure !

   J’avais discrètement arraché l’étiquette représentant un cochon rose, hilare, indécent et je lui avais tendu une moitié de sauc’.

   – Cul béni, va !    Il avait eu un regard soupçonneux avant de plonger et replonger ses dents dans la chair grasse. Ensuite, il avait bu une bonne rasade de vin pour combattre le sel de la charcuterie. Zob à la sobriété ! Pour le faire rire, je m’étais fourré des morceaux de couenne de jambon dans les narines en guise de morve et je lui avais avoué ma trahison en exhibant l’étiquette. La tête cassée par le gros rouge, il s’en était fait un badge.