BOUCHERIE

Un texte extrait de : « Poésies de l’Ordinaire »

Le jeune boucher n’aime pas son métier

Il aime seulement couper la viande

Un samedi

dans son camion

sur le marché

il tranche un cœur de veau

Il a le nez rouge

les joues rouge

les doigts rouge

Il dit

j’ai très froid

je vais démissionner

Que feras-tu après, jeune boucher ?

Je reprendrai mon ancien métier

Quel était-il, jeune boucher ?

Cuisinier

Et avant, chauffeur routier

Lequel choisirez-vous, jeune boucher ?

Routier

On a chaud

on voit du pays

des gens

Fini, la viande !

Alors bonne route, jeune boucher !

Un samedi matin

en Moldavie

dans un fossé

écrasé

sous son camion renversé

le jeune routier

pense à un cœur de veau

Il dit

Je vais démissionner

J’ai très froid

Il est rouge de la tête au pied

HIVER

Train d’hiver

Aube des plates plaines

Blanches stries des labours

Maisons noires sur la neige sale

Griffes des cimes

Crochées au plomb du ciel

Deux phares sur la route brune

Et puis plus rien

Le tain du matin filant sous un tunnel