
Jean Leguen est l’un des personnages principaux de mon roman « Le réveil du Crabe lune »
Extrait :
« …Auréolé par la lumière de juin, il ignorait la beauté du paysage : l’océan qui miroitait entre les maisons, l’île de Groix affleurant à l’horizon, nimbée d’une brume légère. Il n’a pas semblé entendre mon coup de klaxon. Grand, le corps flexible… Il était beau. Beau et impossible à vivre. Un vrai crabe qui avançait en diagonale dans la relation, toujours prêt à se réfugier dans sa tanière au premier geste mal interprété ou faisant front, les poings brandis.
J’ai stoppé la Kangoo à sa hauteur. Il m’a adressé un de ses rictus aussitôt disparu dans un serrement de mâchoires. Il s’est penché par la vitre entrebâillée de la fourgonnette. Une mèche noire filée de gris a balayé son regard bleu.
– Salut, catcheur ! a-t-il dit, faussement enjoué.
Il se foutait de ma passion pour la lutte bretonne. J’ai ignoré son ironie.
– Je viens de chez toi. Où étais-tu passé ? On s’inquiétait ?
– C’est qui, on ?
– Nous, ta famille, tes amis…
Il a écarté les bras en s’efforçant de conserver son équilibre. Alcoolisé, j’ai pensé.
– Ben, je suis vivant ! Je te vois, tu me vois, on se voit.
– Arrête tes conneries ! Marie te demande. Six ans, c’est un âge où….
– Ça te regarde, ma vie ?
– Tu iras quand la gamine aura son bac, c’est ça ?
Il a claqué le toit de la Kangoo des ses deux mains. Je m’en suis extirpé.
Je m’apprêtais à lâcher une belle tirade mais en croisant son regard, j’y ai renoncé.
– Oh, et puis à quoi bon ! Je suis bien con de m’en faire.
– Le scoop ! Pourquoi vous ne me foutez pas la paix, tous ?
Je suis remonté dans la fourgonnette, j’ai démarré en trombe et j’ai stoppé cinquante mètres plus loin. La marche arrière a grincé, j’ai pilé près de lui et j’ai baissé la vitre…. »