Une chance d’être édité !

Un concours organisé par Zonaires éditions à l’occasion de l’anniversaire de ses dix ans. Je reprends ici l’annonce de Patrick L’Écolier :

Vous écrivez et vous n’avez jamais été publié ?

Et si vous tentiez de faire un premier pas chez Zonaires éditions ?

En novembre les éditions Zonaires auront 10 ans.

Pour fêter cette décennie nous proposons d’ouvrir la porte de la maison à 10 auteurs n’ayant jamais été publiés et de concevoir avec eux un recueil de nouvelles.

10 ans – 10 auteurs – 10 nouvelles – 10 pages

Genre et thème libre.

Le principe est celui du concours mais sans classement. Il est ouvert tout le mois de novembre 2022 et sera limité aux 100 premiers textes reçus. Les nouvelles devront être libres de droits. Elles seront appréciées par 10 auteurs de la maison *. Chacun d’entre eux recevra au maximum 10 nouvelles et devra n’en retenir qu’une seule. Le recueil contiendra donc 10 nouvelles de 10 pages chacune avec une tolérance de plus ou moins 10 % (soit 18000 à 20000 caractères espaces compris).

La publication est envisagée au printemps 2023

Les contraintes : Envoi par mail uniquement à contact@zonaires.com

Format A5, interligne simple, marges 2cm tous côtés, police Garamond 12.

La nouvelle doit comporter un titre mais pas le nom de l’auteur (celui-ci figurera dans le mail d’envoi)

Date limite de réception des textes 30 novembre 2022

* Les 10 auteurs de la maison : Danielle AKAKPO – Valérie BRUN – Benoit CAMUS – Serge CAZENAVE – Alain EMERY – Désirée GIROD – Françoise GUÉRIN – Joël HAMM – Julie LEGRAND – Frédérique TRIGODET

Nous vous souhaitons bon vent et une agréable participation. 

Zonaires éditions www.zonaires.com

La secte

Un clin d »oeil à l’ami Franck Garot qui avait initié le blog participatif 807 pour lequel j’ai écrit ce texte

Les voisins (huile sur toile – J. H)

Deux ans déjà que je suis prisonnier de cette secte de graphomanes, encagé dans ce réduit aux murs tapissés de livres, 807 exactement, portant ce même numéro 807, quelque soit l’éditeur ou la collection. Tout juste si mes geôliers m’apportent une ration suffisante pour survivre, le plus souvent une bouillie infâme de pâtes alphabet gonflées dans un brouet clair. Pour boire, il faut que je supplie et je n’obtiens mon verre d’eau qu’à condition de réciter sans me tromper les livres qu’on me force à lire. Toutes ces lignes accumulées forment un monstrueux hypertexte où mon esprit se perd. A peine, me souviens-je des titres qui s’enchaînent hors de toute cohérence stylistique. Voyez cette liste folle de numéros 807(et il m’en reste encore 793 à ingurgiter avant ma libération !) : Le pari d’un chirurgien de Marion Lennox – Ed. Harlequin / La chute de Constantinople d’Edward Gibbon – Ed.Payot / Télé poche du 29 juillet 1981 / La fille des marais (anciennement titrée : Bayou, bayou) de Charles William – Ed. Rivage Noir / Huis clos, suivi des Mouches de Sartre – Ed. Folio / La machine de Balmer (SF) de Claude Veillot – Ed. J’ai lu / L’éternel mari, pièce de Victor Haïm d’après Dostoïevski – Ed. de l’Avant scène / Jean-Christophe (tome III – l’adolescent) de Romain Rolland – Ed. Livre de Poche (le surveillant n’a pas voulu m’apporter les neuf autres tomes qui ne portaient pas le bon numéro) / Ma vie chez les indiens de Mary Campbell – Ed. Livre de poche jeunesse / Les dieux de l’espace (SF) de Franck Dartal – Ed. Fleuve noir / Le numéro du 14 janvier 1960 des Lettres françaises où l’on parle d’Aragon et de Michel Butor / Le Voleur, journal pour tous du 20 décembre 1872 / L’Auto Journal du 15 juillet 2010 consacré à la Peugeot 508 (une erreur de casting, probablement) et enfin last but not least, Le volume 3 (sur 5) des Fondements de la critique de l’économie politique de Karl Marx aux éditions 10/18.   

Mais, silence ! Il me reste 150 pages à apprendre par cœur et j’entends les pas du Taulier dans le couloir

Portraits inattendus volume 2

à paraître en Novembre chez Zonaires Editions

COLLECTIF D’AUTEURS
Partez à la rencontre de 19 personnages qui ont marqué leur époque et inscrit leur empreinte dans la mémoire collective.

Découvrez les portraits inattendus de Robert Capa par Jordy Grosborne – Sabina Spielrein par Viviane Campomar – Bruce Lee par Benoit Camus – Abbé Pierre par Jacqueline Dewerdt-Ogil – Raymond Devos par Pierre-Louis Douheret – Zhang Zhixin par Guan Jian – Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt par Alain Emery – Marguerite Duras par Julie Legrand – Oum Kalthoum par Ludmila Safyane – Mireille Balin par Pierre Monier – Camille Claudel par Dominique Theurz – Juliette Dodu par Peggy-Loup Garbal – Meena Keshwar KamalL par Martine GALATI – Charlie Chaplin par Désirée Girod – Jules Vallès par Franck Garot – Angela Davis par Élodie Torrente – Nelson Mandela par Estelle Berger – Léo Ferré par Joël Hamm – Federico Garcia Lorca par Françoise Guérin

Quels souvenirs avons-nous gardés de ces destins dispersés dans la grande histoire de l’humanité ? Ceux qui nous sont rapportés par les livres, les journaux, les images ? ou bien par les représentations et affinités que nous leur avons associées ?
19 auteurs mettent leur mémoire imaginaire en mouvement pour nous porter au plus près de ces figures illustres, et nous offrir à leur manière des témoignages singuliers susceptibles de bouleverser nos perceptions du passé.

Portraits inattendus par un collectif d’auteurs, 188 pages, ISBN N° 979-10-94810-45-3 Parution prévue 10 – 15 novembre 2022 Prix de vente public 18,50 € + 4 € frais de port. En pré-commande jusqu’au 6 novembre 2022 16 € + 4 € frais de port (soit une réduction de 2,50 €)

Etoiles

Pastèque

Les étoiles sont les confins de votre jeunesse

Vous êtes l’élu de ce royaume

perdu dans les ténèbres du remord

Combien de nuits avant la tombée des peurs

Souvenez-vous des palabres du marcheur Souvenez-vous ce jour corail au détour du sommeil

Ce qui vient du fond…

Horizon

Ce qui survient en nous (du fond de je ne sais quoi) n’est pas forcément facile à comprendre, à expliquer ou même à laisser advenir. Cacher ses sentiments fait partie depuis longtemps  des règles de la vie en société.

   Notre  monde ne supporte plus les manifestations de tristesse, un état qui n’est souvent que l’autre versant de la colère, le ferment de la révolte tant redouté par les pouvoirs au service de la caste dominante.

   L’immobilité est une autre attitude condamnée.

   S’arrêter sur le côté. N’avoir rien à faire d’autre que penser, devient une dangereuse activité. Le début du désordre.

   Interdiction de s’ennuyer, de laisser parler sa voix intérieure, de dialoguer. C’est que cela pourrait laisser advenir des  idées séditieuses…
   Alors, tous branchés, à chaque instant de la journée ! Et chacun pour soi. Avec l’illusion perverse qu’en communicant depuis son portable à tout bout de champs, on fait un pas vers l’autre, quand on ne fait que lancer de minis appels au secours pour vaincre son sentiment de solitude. « Chéri, je suis au rayon des nouilles, lesquelles tu prends d’habitude? » Autre manière de dire: « Hé! T’es avec moi, ne me laisse pas seul devant ce désert en paquet » Sûr, au rayon des nouilles, on y est tous, un jour ou l’autre.
Écrans voleurs de temps, écrans propagandistes, opinions martelées…. les pseudo-démocraties occidentales ont bien compris le pouvoir de l’image et du lavage de cerveau. L’abêtissement des citoyens est nécessaire pour empêcher la libre pensée de circuler. On confit aux médias officiels cette tâche basique.   

La médiocrité est vendeuse, le médiocre est bon client. Faire de chaque individu un consommateur frustré, en deuil de sa personnalité profonde et de ses aspirations secrètes, de son humanité est le plus sûr moyen de l’asservir. Ne plus permettre de penser, ne plus laisser un moment de liberté, permet de juguler tout esprit de révolte face à des injustices pourtant criantes.
   On en redemande car l’addiction est inévitable.
   Si on parvient à se libérer de nos habitudes moutonnières, la contemplation du monde extérieur nous révèle, au-delà de ses défauts, la beauté d’une lumière, d’un ciel, et nous invite à l’étrange communion avec les autres humains qui marchent dans la ville. Des êtres  que l’on croit connaître et qui sont autant de Nous à découvrir.

Le bonheur

Télé man (crayons de couleurs – J.H)

Il était, vis-à-vis du bonheur, comme ces gens qui habitent au cœur de la cité parce cela leur donne la possibilité d’aller au cinéma, au théâtre, au concert quand ils le désirent mais qui n’y vont jamais.

La beauté sauvera-t-elle le monde ?

Filippo Lippi (Madonne…)

À quoi servent les splendeurs réfugiées dans l’obscurité des grottes, des musées, puisque le mal reste toujours présent depuis les origines ? Albert Camus pose la question sous un autre angle et y répond : La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions. Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d’elle. Sa règle qui conteste le réel en même temps qu’elle lui donne sont unité est aussi celle de la révolte. Peut-on, éternellement, refuser l’injustice sans cesser de saluer la nature de l’homme et la beauté du monde? Notre réponse est oui. Cette morale, en même temps insoumise et fidèle, est en tout cas la seule à éclairer le chemin d’une révolution vraiment réaliste. En maintenant la beauté, nous préparons ce jour de renaissance où la civilisation mettra au centre de sa réflexion, loin des principes formels et des valeurs dégradées de l’histoire, cette vertu vivante qui fonde la commune dignité du monde et de l’homme, et que nous avons maintenant à définir en face d’un monde qui l’insulte ».

Reportage

une extrait du roman « Le réveil du crabe lune »

    Puget remonta sur sa moto et la laissa aller en roue libre sur l’étroite route goudronnée qui descendait doucement par les bois. Il allait se payer le culot d’aborder Stanislas Mathis, de la part de Bingo Magazine. Peut-être qu’il accepterait de compléter les infos données par sa vieille mère…

    Le photographe se sentait décidément en pleine forme. Une interview au débotté, ça ne se refuse pas, surtout si on vous fait briller, si on met en valeur votre courage, votre esprit de décision. Puget était prêt à traiter Stanislas en héros, quitte à brosser par la suite un portrait de lui moins reluisant. L’homme lui répugnait autant qu’il l’intriguait.

    Sa moto prit un peu de vitesse dans la pente et fut ralentie par le dos d’un pont de bois. Il la poussa jusqu’à l’arrière d’une des granges. Le bâtiment résonnait de coups de masse sur de la tôle, de crissements de scie à métaux. Il descendit de sa monture, la cala sur sa béquille. Les planches du hangar étaient parfaitement jointes, impossible de rien voir. Des cris traversèrent la paroi.

    – Oh ! Oh ! Qu’est-ce que tu fous, bordel ?

    – Gna, gna bu de… de…Né mom…monnes on bides, répondit une voix caverneuse.

    – Et alors, tu ne peux pas me prévenir ! Il y a deux bonbonnes pleines à la ferme ! Tu ne vois pas qu’avec ta scie à main, tu mettras quinze jours ! À quoi ça sert un chalumeau ? Triple con !

    – Gue. . Gue  b’exguse.

    – Ça va, ça va, viens avec moi. Pourquoi je te garde ? Tu le sais, toi ?     La voix de rogomme grommela une réponse indistincte. Puget se glissa le long du mur.

Poursuite

Un extrait de mon roman « Le réveil du crabe dormeur »

La Renault carburait au maximum, les pneus mordaient les bas-côtés. Des phares sont apparus dans le rétroviseur. J’accélérais autant que possible. Malgré cela, la berline réduisait l’écart. Ses phares m’aveuglaient, j’ai basculé le rétro. La pluie s’était  mise à tomber plus drue. La route se contorsionnait, les essuie-glaces étalaient une pellicule grasse sur le pare-brise. Je n’ai pas vu le panneau de stop. J’ai traversé la nationale et continué tout droit. Je venais de rater la route de Paris. Le véhicule qui me suivait était bien plus puissant que mon épave mais maintenant il restait à une distance raisonnable. Son conducteur se contentait de me lancer des appels de phares qui me poussaient à accélérer et à prendre des risques.

    Un long mur blanc défilait. Un panneau. Le Centre médical de Neufmoutiers. J’ai traversé le village endormi à plus de cent kilomètres heure. Après une trajectoire rectiligne la route dessinait un virage serré. J’ai enfoncé la pédale de frein. Les roues bloquées ont filé sur le film liquide, j’ai quitté la route. La Clio a labouré les ornières d’un chemin forestier. Elle s’est mise en travers, a plongé dans les fondrières. Je m’agrippais au volant, tassé sur mon siège. J’allais droit vers le fût d’un arbre. J’ai tenté de contre-braquer. Le flanc de la Renault a rebondi sur le tronc dans un fracas de tôles et la Clio a effectué une série de tonneaux dans l’axe exact de l’allée. Les portes se sont ouvertes. Aspiré par la nuit, je suis parti en vol plané, les mains en protection comme si ce geste pouvait me freiner. Des branches m’ont cinglé le visage, le sol fondait sur moi ; j’ai eu le réflexe d’atterrir en roulé-boulé, mon épaule gauche sillonnant l’humus d’un épais tapis de feuilles en décomposition. J’ai atterri sur le dos. La nuque au ras de l’eau stagnante du fossé. J’étais sonné. Une douleur me déchirait l’épaule gauche tandis que, lentement, mon corps englué de boue glissait dans la rigole.

Dialogue

un extrait de mon roman  » Le réveil du crabe lune »

Il m’a conduit à une cuisine carrelée d’un blanc éclatant du sol au plafond. Un labo de chimie. Un couvert était mis devant une assiette de fromages et une bouteille de Bordeaux.

    – J’ai déjà déjeuné, à toi l’honneur.

    Je me suis attablé avec une grimace de douleur.

    – Maillard a dû me déplacer une vertèbre.

    – Du travail bâclé. Protège celles qui te restent.

    – J’ai du mal à te comprendre, Franck. On dirait que ça te réjouit, ce bordel.

    – Un conseil… Ne t’attarde pas dans les parages. Maillard a des amis. Je suis partisan de la paix sociale, ça me ferait de la peine de…

    – T’es quoi ? Mon ange gardien ?

    – Angélique je l’ai toujours été, tu te souviens.

    J’ai empoigné la bouteille de Bordeaux et m’en suis versé un verre plein que j’ai bu d’un trait.

    Sitbon riait.

    – Eh, oh ! Déguste, tu as vu l’étiquette ? Cinquante euros la bouteille. Un cadeau de Claude Mathis, justement

    Je me suis resservi, j’ai mieux goûté :

    – Dégueulasse. On dirait qu’on boit du parfum. Mathis a toujours eu un goût de chiottes.    

– C’est vrai que tu le connaissais intiment. Presqu’un fils d’après ce que j’en sais.

TOURTEAU (Cancer paragus)

Un texte qui n’est pas dans mon roman mais qui fait allusion à un certain personnage :

Embranchement des arthropodes – sous embranchement des Crustacés (du mot crusta  = croûte) – classe des Malacostracés – ordre des décapodes – famille des cancridae (carapace ovale en largeur, avec le bord antérieur découpé, nettement décalé par rapport au bord postérieur)

Je ne vais pas te déranger, crabe dormeur. Je sais que sous cette roche, à la lisière de l’air et de l’eau, dans les limites de l’estran, tu te reposes de la fatigue des océans. On peut bien te traiter de paresseux, tourteau placide, mais tu couvres tes 150 Km par semaine sous la mer, de cette démarche un peu de guingois qui fait conseiller aux ivrognes dans mon village « bois un coup de gnole, ça te fera marcher droit ».

Je sais que tu serais difficile à extirper de ton trou, que tu brandirais tes pinces en mouvements brusques et désordonnés vers mes doigts. Que sorti de là et retourné sur ma paume, tu replierais tes pattes sous ta carapace d’un beige irisé et tu ne bougerais plus, faisant le mort, exposant à mon étonnement l’architecture complexe des dessous de ta carapace, d’aspect si simple et si bonasse quand je la contemple de toute ma hauteur alors que tu fuis vers ton abri marin.

Crabe dormeur, sinon prince des mers, du moins discret va-nu-pinces… Te surnomme-t-on poupard parce que bébé, déjà, tu semblais passer tout ton temps à dormir ? Ou bien clos poings parce que ta colère te jette pinces en avant ?

Je te préfère crabe-lune, poète noctambule rêvant à de belles inconnues arthropodes t’offrant l’étreinte de leur chair molle à la fin de leur mue. Elles garderont jusqu’à deux ans ta semence en stock pour féconder leurs œufs, pas étonnant que tu sois infidèle. J’ai envie de croire pourtant que tu te souviens d’elles avec émotion quand quelques bulles montent de tes mandibules de charognard.

Je ne vais pas te déranger, crabe dormeur. Je hasarde juste un doigt, un doigt furtif sur ton dos couleur chamois, sur cette carapace dont peu de gens savent que c’est ton squelette. Je sais qu’à force de bonne chair, ami nécrophage, lorsque tu grossiras, elle limitera la place disponible pour ton organisme. Je sais que tu déclencheras alors, par une action hormonale, la constitution d’une nouvelle cuticule, molle et moulée sous la première, et qu’après avoir abondamment gonflé d’eau tes tissus, tes mouvements de contorsionniste te libèreront de ta rigide enveloppe externe. Bravo, l’artiste !

Je t’imagine, crabe dormeur, filant vers les coulisses après ton tour périlleux pour te cacher dans le sable. Le temps que ta nouvelle cuticule durcisse. Le temps surtout d’échapper aux prédateurs affamés de ta chair nacrée.

Et dans la chaude nuit d’août, si je tends l’oreille à marée basse, je t’entends grignoter, mélancolique solitaire, la dépouille explosée de ton exuvie.

TONY

personnage du roman Le réveil du crabe lune

EXTRAIT :

    Franck ruminait ses pensées tandis que la Lexus de Tony roulait à vitesse réduite dans les rues de Champigny. L’homme de main conduisait, mâchoires serrées. La nuit était chaude et il refusait de mettre la clim. Sitbon baissa sa vitre. Tony agita une main.

    – Remonte, ça pue la rivière !

    Il se gara sous les frondaisons du bord de Marne, près d’un long mur en meulière. Les pavillons tournaient le dos à la rivière.

    De rares voitures filaient vers Paris. Pas un promeneur ne semblait attiré par l’obscurité des berges clapotantes. Sur la rive opposée, le néon rouge d’une pizzeria vibrionnaient à la surface de la Marne. L’enseigne tremblait comme une aile malade.  

    – Je ne te comprends pas, articula enfin Tony, les mains caressant son volant.

    – Tu n’es pas équipé pour.

    Tony pivota sur son siège.

    – Tu crois que t’es une tronche, hein ? Alors comment ça se fait que t’es ici contre ton gré, monsieur Einstein ?

    Sitbon se fendit d’un sourire.

    – Tu le connais, cet Einstein, Tony ?

    – Ouais, un Juif comme toi ! Mais t’as pas répondu à ma question.

    – Je n’ai pas eu le choix.

    – Un homme l’a toujours !

    Sitbon se contenta de dévisager Tony à la lueur du tableau de bord.

    – Je te préviens, Tony, s’il arrive quelque chose à cette femme, je te descends.

    – Tu as idée de la manière ?

    – Il n’y en a pas qu’une !

    – Pauvre taré ! Reste à ta place, capito ?

Daniel Puget

Profession photographe, personnage du roman « Le éveil du crabe lune »

La moto de Daniel Puget

EXTRAIT:

La fenêtre de la chambre était ouverte. À travers les voies des persiennes, le soleil matinal projetait sur le mur des obliques lumineuses.

    Daniel Puget était nu sur le drap défait. Les piaillements des oiseaux perchés dans les paulownias le réveillèrent. Il était sept heures au radioréveil. Il avait à peine réussi à grappiller deux heures de sommeil dans la nuit, et pas seulement à cause de la chaleur étouffante. Près de lui, Sandrine, sa femme, dormait allongée sur le dos, la bouche légèrement ouverte, un bras replié sous la tête et ses cheveux blonds épars sur l’oreiller. Puget, appuyé sur un coude, lui posa une main sur le ventre. Elle sursauta, lui saisit brutalement la main et la rejeta en se retournant vivement vers le mur, recroquevillée en chien de fusil. Puget se rapprocha. Elle eut une brusque détente des jambes et il prit le coup de pied dans le tibia. Il s’écarta et, assis sur le bord du lit, contempla la chambre. Chichiteuse. Comme Sandrine, comme l’appartement tout entier. Une bonbonnière ridicule.

    Puget ne revenait chez lui que par nécessité, toujours accueilli par des phrases mordantes. Sa femme le méprisait. Comme s’il pouvait à volonté grandir de dix centimètres, doubler son salaire en restant honnête, abolir le rouge carotte de ses cheveux, être quelqu’un d’autre.

    Il songea à la soirée de la veille, au mot de Sandrine posé sur la table de la cuisine. Une fête entre filles, elle rentrerait tard… Cela arrivait de plus en plus souvent. Il avait mangé une boîte de sardines et descendu trois ou quatre bières en matant une ineptie à la télé. Ensuite il avait ruminé ses pensées, incapable de s’endormir. Le temps défilait sur l’écran du radioréveil. À une heure du matin, il était debout, posté sur le balcon. Des phares apparaissaient à l’entrée de la rue, disparaissaient au carrefour. Il était retourné se coucher, l’oreille aux aguets, attentif au moindre ronflement de moteur qui s’annonçait, suivant mentalement l’itinéraire des voitures. Son angoisse montait au fil des heures, prenant le pas sur le sentiment de jalousie qui l’agitait. Enfin, il avait reconnu le bruit familier de la voiture de Sandrine qui se garait sur le parking, en bas de l’immeuble. Il avait épié ensuite le bruit de l’ascenseur qu’il percevait très bien à cette heure de la nuit ou plutôt du matin. Et sa colère avait soudain pris le dessus.

La cité des Rémouleurs

Là est né le personnage principal de mon roman « Le réveil du crabe lune »

EXTRAIT :

Les gosses assis sur le muret de descente de cave m’épiaient. Ils devaient trouver ma dégaine rassurante, elle n’avait rien de celle d’un assistant social ou d’un éducateur. Quant aux flics, aucun ne se pointait seul dans la cité.

    Je leur ai adressé un signe amical et j’ai levé les yeux sur les murs ravaudés. On croyait s’installer ici un an ou deux en attendant des jours meilleurs et trente ans plus tard c’était la quille. Les déménageurs en livrée noire vous emportaient, vieux chiffon essoré, au fond d’une armoire à poignées.

    Bâtiment 9.

    Je me souvenais d’une voisine, la mère Boucard. Une obèse qui passait son temps sur son balcon, coincée derrière une jardinière sans fleurs, vigie du radeau de la Méduse, à espérer le retour de son mari qui s’était barré, puis de ses enfants placés dans un foyer d’accueil. Un jour, la Boucard est morte d’un arrêt cardiaque, là, sur son minuscule balcon rouge. Les voisins ne l’ont pas remarquée. Elle faisait partie de l’architecture et personne ne passait sous elle. Manque de confiance dans le béton… Elle avait emménagé là quand la cité sortait à peine des terres à betteraves. Les pieds-noirs, les familles musulmanes et juives, y côtoyaient les gens sauvés des quartiers insalubres du vieux Certeuil, des bidonvilles de Champigny, avant les arrivages d’Afrique noire ou d’ailleurs. À chacun son folklore : paysage avec biche au mur, thé à la menthe, boubous éclatants…

     Les immeubles se succédaient, un peu ragaillardis, mercurochrome et bleu de méthylène sur la plaie. La vie grouillait encore au creux de la blessure.

    Escalier G, bâtiment 4.

    Sur le pas de la porte défoncée, un gamin hébété était assis dans la pisse de chien. Un autre tirait sur un mégot. La fumée a chassé un instant l’odeur qui montait du sous sol. Vieilles urines, désinfectant, épluchures pourries. Ce sirop de vie n’avait rien d’un nectar. Je retenais ma respiration en avisant la rangée de boîtes à lettres déglinguées. Graffitis, tags, insultes, cœurs percés, violés par des phallus surhumains. Les noms des locataires ne me disaient rien. Le gamin assis sur les marches, m’observait.

    – Vous cherchez qui, M’sieur ?

    – Péri.

    Il a eu une mimique d’incompréhension. Le fumeur a jeté son clope et a ricané.

    – Ah ouais, m’sieur. On les connaît, c’est la grosse qui nous gueule dessus.

    – Une pétasse ! a ajouté son copain.

    – Le mari, c’est un bouffon ! a renchéri le fumeur de mégot.

    – Et je les trouve où, la grosse et son bouffon ?

Le commandant PUISAIS

Un personnage de mon roman « le réveil du crabe lune » paru chez Zonaires Editions le 7 octobre 2022

Nuit

EXTRAIT :

Ce qui sauvait Puisais, c’était sa bonne gueule aux traits réguliers, son regard noisette qui lui donnait un air compatissant, un atout non négligeable quand on est flic. Et puis, il savait rire le flic malgré sa mélancolie latente. Il avait une allure de jeune homme, d’adolescent grimé en cinquantenaire. Près de lui, un collègue corpulent, au visage rond et huileux, engoncé dans une veste de complet d’un bleu irisé, était adossé à une colonne du temple.

    Puisais adressa un geste discret à Nicole. Il allait venir à elle, mais elle préféra le devancer et le rejoindre sous l’ombre du tilleul. Le policier la dévisagea, l’œil attiré par la fine cicatrice qu’elle avait sur la pommette. Un trait net et pâle qui se démarquait sur son bronzage. Accident, maladie ? À aucune de leurs rencontres il n’avait osé poser la question.

    – Madame Vernier, vous ici ! Je vous croyais au chômage.

    – Commandant Puisais, vous ici ? Je  croyais l’affaire classée.

    – Quelle affaire ? Ah ! Je vous présente mon collègue : Hénéré Teiraiehora de Papeete. Métropolitain le temps d’un stage.

    – Vous venez étudier la faune des lagons franciliens ?

    Nicole Vernier serra la main du Tahitien, sourire béat sur face de pleine lune.  

    – Et votre Civis ? demanda Puisais ? Continuera, continuera pas ? S’il dépose le bilan, vous allez enfin fiche la paix à ceux qui refusent qu’on les enquiquine avec des problèmes de société ! Vous savez, les gens sont tellement nihilistes…

    – Vous voulez dire : conformistes ? dit Nicole en fronçant les sourcils.

    – Non, j’ai bien dit ! Des nihilistes qui refusent le monde tel qu’il est.

Malika Qorar

Un personnage important de mon roman « le réveil du crabe lune« 

EXTRAIT :

   Samir avait bricolé des hampes avec les manches à balai réquisitionnés chez lui et chez ses voisins, il y avait scotché les vieux draps découpés et peints par sa sœur. Elle avait un sacré coup de crayon, Malika. Son geste sûr vous traçait des lettres impeccablement calibrées, ou encore il vous épinglait avec une caricature impitoyable. Elle avait appris à crobarder en copiant les bandes dessinées. Après Donald Duck et Largo Winch, elle était passée au portrait sur le vif. Elle devait être rapide pour croquer les frères et sœurs, surtout Walid, qui oubliait souvent de prendre sa Ritaline.

    Malika avait peint les banderoles dans les neuf mètres carrés de la chambre qu’elle partageait avec ses sœurs, confiant à sa nombreuse fratrie le soin de colorier l’intérieur des lettres. Les calicots lui avaient parus immenses. Maintenant, dans la rue, ils ressemblaient à des timbres poste. De loin il  était difficile de lire ce qu’elle y avait calligraphié : JUSTICE POUR LULU / ON NE T’OUBLIERA JAMAIS /  POLICE = ASSASSINS/  

Messages miniatures, qui chuchotaient là où elle aurait voulu hurler.