Goût et totalitarisme.

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Salade

Les multinationales marchandes ont bien compris que des aliments ayant trop de saveur entravent le commerce. Elles  fabriquent  donc des produits dont le goût affadi, dominé par le sel ou le sucre, rend addictifs les consommateurs, des produits standardisés au goût abâtardi qui remplacent peu à peu les spécialités de tel ou tel pays. Eliminer la diversité facilite la production. Plus les goûts seront uniformisés et plus on peut vendre au plus grand nombre le même produit partout dans le monde. Ceci entraîne des manières de cultiver, d’élever des animaux de façon industrielle avec les conséquences que l’on connaît, martyr des animaux, exploitation d’une main d’œuvre sans qualification, pollution de la nature, diminution de la biodiversité, maladies dues à l’emploi massif de produits écocides etc.

Sans trop sans rendre compte, les humains s’habituent à consommer des produits insipides et uniformisés. La dégradation est presque insensible.  Ils ne regretteront bientôt plus les saveurs disparues parce qu’ils ne les auront jamais connues, qu’ils seront incapables de se les remémorer ou bien qu’ils les rejetteront parce qu’elles auront un goût trop puissant pour leurs papilles inexpérimentées. Qui se souviendra de la suavité fleurie du beurre fraîchement baratté à partir d’un lait issu des pis d’une vache broutant de l’herbe et non de l’ensilage ? S’il existait encore, beaucoup ne supporteraient pas ce goût de prairies et de nature, d’étable… Rassurez-vous, un tel beurre est devenu extrêmement rare. De même qu’il est difficile – surtout dans les villes – de dénicher une véritable carotte, un poisson sauvage (exempt de PCB issu de la chimie industrielle, de pesticides) ou un fruit cultivé sainement. Actuellement, celui qui ne cultive pas son jardin doit payer cher pour échapper aux fruits calibrés gavés de produits toxiques, sans saveur et faiblement nutritifs.

Esprit passéiste, nostalgique ! me direz vous. Laissons à d’autre le soin de qualifier de réactionnaire la nostalgie. Elle permet au moins de retrouver et de reconstruire un monde où le sentiment du bonheur avait sa place. Un monde de sensations corporelles de présence au réel et donc aux autres.

Il semble important, pour les marchands qui nous gouvernent, de laisser croire que chacun domine le monde en pressant le bouton de son ordinateur ou de son robot préféré, de lui donner l’illusion qu’il peut tout alors qu’il n’est rien et que, surtout, pour se manifester au monde il doit posséder la dernière machine mise au point. A ce jeu, nous perdons nos jambes, notre corps et le plaisir des sens. Cette entreprise consumériste mondiale, niveleuse de culture, d’individualité et de goût est une entreprise nihiliste contre laquelle il faut lutter individuellement et collectivement. À l’heure où les objets envahissent notre environnement, c’est en réalité l’homme et la nature dans sa totalité qu’on dématérialise et qu’on tue. Objets inutiles, avez-vous donc une âme qui saccage notre âme et nous force d’aimer notre matériel et misérable quotidien ?

Instrumentalisés, nous perdons progressivement notre libre arbitre. La disparition du goût s’accompagne immanquablement d’une anesthésie esthétique, d’un oubli de toute éthique. Le beau existera toujours mais à l’insu des aveugles programmés qui le côtoieront.

Les réactionnaires sont ceux qui croient et participent sans esprit critique à cet avenir technologique forcené. Ils auront bientôt oublié la saveur des choses, le contact d’une autre peau, le poids d’un livre, le sens des mots. Ils ne distingueront plus la beauté pourtant partout présente autour d’eux, malgré la dureté du temps.

3 réflexions sur “Goût et totalitarisme.

  1. Le matérialiste s’ampute lui-même de son âme. Ce que tu dis est vrai aussi pour la musique, les instruments « acoustiques » n’ont plus la cote, il faut des micros, des baffles, des guitares électriques pour faire plus de bruit…

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