Une des héroïnes de mon roman en cours de finition.

Moi, j’étais plutôt adepte du style hippie chic : legging noir sous une tunique colorée, même si ça accentuait mon côté longiligne. Quand j’avais le temps, je me tressais quatre nattes nouées en chignon d’où s’échappaient des mèches folles, genre coiffure de chef indien. Sinon, je laissais mes cheveux libres et je choisissais un jupon bohème à volants, bien bigarré. J’avais l’air d’une gitane des beaux quartiers. C’était ma manière d’égayer les murs gris-vert du Centre thérapeutique. Quand j’ai commencé à y travailler, je ressentais la jalousie de mes collègues féminines plus âgées que moi et parfois encalminées dans une vie de famille peu réjouissante. En écoutant patiemment leurs conseils et leurs confidences, j’avais réussi à devenir, pour quelques unes, une sorte de fille de cœur. Sans doute qu’elles me trouvaient un peu foldingue mais je me montrais tellement prévenante et enjouée que leurs préventions se sont vite dissipées. Je mettais un point d’honneur à garder mes états d’âme pour moi. Un jour où je n’aurai rien d’autre à faire, il faudra que j’écrive un traité sur le devoir de bonne humeur en société ou sur la force transformatrice du sourire. Mon bureau était situé au premier étage. Je l’avais enjolivé de tentures ethniques. Les jeux et les livres destinés à mes jeunes patients complétaient le décor. Le tout était très coloré et contrariait l’austérité ambiante. Au moment de la pause, certains de mes collègues venaient dans mon antre déguster une tasse de thé vert à la bergamote ou au jasmin, apaisés par la vapeur des petits bâtonnets d’encens que je ne manquais pas d’allumer. Ce genre de fantaisie n’était pas vraiment apprécié par la surveillante chef qui cherchait à imposer son conformisme aux éducateurs, infirmières et psys de tout poil.