extraite de mon recueil « Ivresse de la chute »

La forêt est toute proche. Le gamin s’enfonce dans l’épaisseur des feuilles et leur fermentation humide chauffe ses pieds à travers les semelles fendues de ses brodequins. Dans le dédale des arbres, la nuit continue au-delà du jour. Il se faufile entre les candélabres serrés des taillis et perçoit des frôlements dans les buissons. Il devine une mare à l’odeur de vase, écarte les premiers joncs, cassants et morts sur les rives, s’assoit sur la mousse d’un tronc couché, croise les bras sur sa poitrine, ses mains ne dépassant pas des manches de sa veste et il regarde le ciel au dessus de la clairière qui se nimbe de bleu pâle. Le piaillement des oiseaux se mêle aux bruissements de la frondaison. L’écho de leurs pépiements donne une profondeur nouvelle à la forêt et à sa solitude. Maintenant, les rayons obliques du soleil éclairent la cime des arbres. Le gamin enlève ses brodequins, accroche son bourgeron et sa culotte de toile à une branche et entre dans l’eau qui lui paraît presque tiède. Le fond part en pente douce. Une vase grasse et noire gicle entre ses orteils. La surface du bassin reforme son miroir entre ses jambes puis le soleil rend sa limpidité à l’eau où flottent des particules végétales vieil or. Soudain, un nuage éclipse la lumière. La surface de l’étang prend une couleur plombée. Le gamin a de l’eau aux épaules et décide d’avancer encore. Avant de disparaître, il lève les yeux vers les hauteurs comme pour chercher un signe de salut et croit voir un œil dans un trou du ciel. Il sort précipitamment de l’étang, se rhabille, grelottant de froid, ajuste sa musette et tombe nez à nez avec deux bûcherons qui le reconnaissent, le saisissent et le ligotent en attendant d’avoir fini leur journée pour le ramener chez ses parents nourriciers.
La nuit suivante, il s’échappe à nouveau, le corps meurtri par les horions qu’il a reçus. De la colline qui surplombe sa ferme d’accueil, il regarde, bouche bée, les flammes dévorant la paille du hangar et sa haine cède le pas à l’émerveillement. Le ronflement de la torchère brouille les cris du fermier et de sa femme. Le fond de vallée rougeoie et les ombres des arbres s’élèvent et plongent dans la fournaise tandis que, minuscules, se découpent des silhouettes gesticulantes contre la clarté de l’incendie qui gagne la maison. Ce sont les voisins accourus pour balancer de dérisoires seaux d’eau. On dirait un peuple de gnomes abreuvant un dragon à la soif inextinguible.
C’est triste et bien écrit. C’est là que tu vas nous abandonner ? 😕
J’aimeJ’aime
Non, cette nouvelle ira jusqu’à sa fin. Aujourd’hui, 4ème chapitre.
J’aimeAimé par 1 personne
🤗
J’aimeJ’aime