Léa Jourdan est un des personnages de mon roman « Le réveil du crabe lune » qui paraît le 07 octobre chez Zonaires Editions

EXTRAIT :

    Je me suis approché de la double fenêtre. J’avais besoin d’air, je suis passé sur le balcon. Le ciel rosissait au-dessus des toits. J’ai fumé une clope et je suis revenu vers la bibliothèque qui couvrait un mur entier. Ce n’était sûrement pas Pietro qui usait les bouquins. J’en ai tiré un au hasard : Le zen macrobiotique. Reposé vite fait. J’ai suivi le rail culturel du bout de l’index, j’en ai extirpé un livret blanc : Fureur et Mystère de René Char. On clopinait dans le couloir.

    – Salut !

    La voix m’a fait sursauter.

    Une fille brune s’est approchée. Ses sourcils fins et arqués lui donnaient une expression de curiosité amusée.

    – Vous lisez de la poésie dans la journée ?

    – Je… je… Salut !

    Je bégayais comme quelqu’un pris en faute.

    Elle a saisi le livre en riant. La lumière du soir a éclairé son visage. Une moire acajou a parcouru ses cheveux longs. Elle a ouvert le livre au hasard et a lu :

    – Un homme sans défaut est une montagne sans crevasse. Il ne m’intéresse pas.

    Je ne sais pas ce qui m’a pris. Cette fille me donnait des ailes, des ailes de paon :

    – Dans ce cas, je connais un paquet de types intéressants. Moi, je suis leur modèle.

    – Et moi, c’est Léa Jourdan. Vous, l’être modèle, vous avez un nom ?

    Elle me souriait. Pas de maquillage. Directe, elle, spontanée.

    – Jean, Jean Leguen.

    J’étais troublé par le battement calme de ses longs cils noirs. Elle s’est rapprochée de moi. J’ai senti ma gorge se contracter.

    – Pietro m’envoie vous servir un verre, il a pensé que vous n’oseriez pas…

    – Il me connaît mal.

    – Qu’est-ce que je vous offre, alors ?

    Elle a ouvert un buffet, sorti deux verres, des bouteilles.

    – En fait, j’ai passé une très mauvaise nuit, je vais m’abstenir. Je supporte de moins en moins l’alcool.

    – Dangereux, ça, vous allez perdre votre identité bretonne. Vous êtes breton, m’a dit Pietro ?

   Une fossette enfantine tout à fait craquante s’est dessinée sur sa joue gauche.

    – Ne le prenez pas mal, je suis née à Morlaix, je connais le problème. D’un peu trop près.

    Son visage s’est assombri un court instant. Elle a posé les verres.