
La pluie cesse.
Au fil de la route, le miel des foins coupés, la senteur chauffée des troènes invitent à la sieste. Je n’ai jamais su m’arrêter. Je conduis machinalement, perdu dans mes pensées. Les kilomètres défilent. Le 482 ème meurt sur le cadran.
Île-de-France. Banlieues… Lacis des routes et des échangeurs. Je m’y perds. Le béton colmate le paysage.
La ville s’alanguit dans les rayons roses du couchant, grouillante, percée de meurtrières, hachée de passerelles, lacérée par le bistouri des voies express.
Elle fuit en perspectives vertigineuses : jetées de béton sans fin, rails de néon, sirènes hurlantes, hypermarchés, jumbo-jets sillonnant le ciel qui vire au violet, à l’est entre les méga tours. Paquebots métal et verre, surplombs, voies souterraines, feux clignotants, policiers en ribambelles, gyrophares, ambulances forçant le trafic.
Panneaux publicitaires, corridor hérissé de couleurs. Eblouissement.
Les chaussées se divisent, se superposent, se multiplient. Les perspectives se pénètrent, se chevauchent.
Le vertige ouvre ses parois verticales.
Respirer ! Respirer !
Des arcs électriques pulsent sous mes paupières. Je ne vois plus rien.
Corps absent. Gestes automatiques.
Un zigzag de magnésium vibrionne dans un coin de mon œil gauche, obscurcit peu à peu mon champ de vision.
La migraine grimpe l’échelle de ma colonne vertébrale.
Le moteur cale.
Je ne bouge plus, les mains sur les yeux, la tête sur le volant. Absent…
Du fond de mon cerveau, j’observe l’orage qui, lentement, fuit au fond de mon œil.
Peu à peu, Je retrouve la vue.
J’examine mon teint sale dans le rétroviseur. Sale comme les façades qui me dominent, gris comme le passant qui m’observe depuis le trottoir.
Nuque raide, nerf optique vrillé, je redémarre.
Je me répète mon nom. Tout mon être s’y accroche.
Ma voix me redevient familière : Calme-toi, calme-toi ! Ce n’est que le monde tel qu’il va et tu n’es rien. Pas de quoi paniquer…
C’est cela pénétrer dans l’égarement et en ressortir, c’est plutôt joyeux au final, dit le tableau.
J’aimeJ’aime
Vertige du modernisme… vestige de soi…
J’aimeJ’aime
Et réciproquement…
J’aimeAimé par 1 personne
eh oui, boum !
J’aimeJ’aime