Qu’on en finisse !

Bunker (JH)

Il éteignit son mur d’image et s’extirpa de son fauteuil en cuir pleine fleur. Pourquoi montrer toujours ces images qui ne prouvaient que l’inefficacité du système ? Dehors, on les voyait partout, mobilier humain pourrissant à même le sol. Etait-ce nécessaire d’en préserver autant pour servir de menace aux autres, ceux qu’on maintenait encore en survie pour assurer les tâches quotidiennes et consommer les sous-produits qu’on leur vendait ? Et ceux qu’on avait dotés d’uniformes, policiers et soldats entraînés au carnage, n’étaient-ils pas trop nourris au détriment de leur capacité de meurtre et de pillage ? Certes, on pouvait en acheter des millions. Et en tuer autant s’il le fallait. Mais cette organisation montrait ses limites, elle devenait même contre productive…

    Mélancolique, il se fit couler un bain de lait de jument dans une baignoire de porphyre, admirant son reflet repu dans l’or des robinets. Il s’était passé trop de temps depuis le déclenchement du Plan par le Consortium. Bien sûr, en Afrique et en Asie les choses allaient bon train ; les virus et la famine s’alliaient à la guerre pour hâter le programme mais, en Occident, les résultats étaient décevants. On espérait une pandémie mais elle se faisait attendre et si la pauvreté reculait – les pauvres n’ayant même plus la force de se reproduire – ceux qui avaient encore les moyens de se nourrir crevaient trop lentement. Cet hiver, le froid et la faim en avaient tué seulement quelques milliers en Europe. Le réchauffement de la planète allait encore s’aggraver mais on n’en aurait pas fini avant au moins une décennie. La sécheresse, les catastrophes climatiques et leur cortège de désastres seraient assurément une aide, mais il y avait trop d’incertitudes. C’est qu’ils s’accrochaient, les misérables, et survivaient d’un rien. L’alimentation percluse de chimie, les radiations et les catastrophes nucléaires, la pollution de l’air et des nappes phréatiques, la répression armée, l’impossibilité matérielle de se soigner ne suffisaient plus à éradiquer la multitude. Quant à la fin du monde promise par les mayas, elle n’avait pas provoqué la vague de suicide attendue. Le Consortium avait failli profiter de cette date pour déclencher un cataclysme atomique d’envergure mondiale mais le risque était trop grand pour ses adhérents. Bien sûr, depuis cette fausse prédiction, la mort continuait son travail mais toujours à un rythme bien plus lent que celui de la vie. Le nombre devenait affolant. Il mourait cinquante-cinq millions d’humains par an pendant qu’il en naissait cent trente millions. Vertige ! Ils seraient bientôt neuf milliards à encombrer la planète de leurs carcasses débiles, pompant les dernières gouttes d’eau, ravageant les plantations plus sûrement qu’une invasion de criquets, menaçant les pouvoirs établis de leur simple présence résignée. Que faire aussi des quelques rêveurs qui, de par le monde, croient encore échapper au grand décervelage médiatique et agiter les foules ? On les voit s’écarter du système pour essayer de se sauver en rêvant d’être suivis par les autres. Des naïfs, mais sait-on jamais…

    L’époque n’était plus aux tergiversations. Il fallait trouver une solution radicale pour éliminer 99 % des pauvres et n’en garder qu’un cheptel domestiqué et corvéable à merci. Après tout, on avait seulement besoin de leurs terres et des richesses de leur sous-sol.

   Il allait y réfléchir et activer les mille deux cent milliardaires de son club. Des inconscients qui vivaient sur leurs acquis ! Il était temps qu’ils se mouillent. Sinon, eux aussi seraient condamnés à vivre dans leur bunker sans jamais pouvoir en sortir.

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Et en prime une chanson ICI (mais a-t-elle à voir avec le texte ci-dessus ?)

6 réflexions sur “Qu’on en finisse !

  1. Que représentent la richesse et le pouvoir quand on reste seul à en « profiter » au milieu de rien ? N’importe quel survivant dans ces conditions s’enrichirait de sa seule solitude, sur un sol qui regorgerait de ce qui aurait ruiné l’humanité. Cynisme de la cupidité et de la vanité.

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  2. Bigre ! Mais qui sait…l’avant dernier paragraphe en tout cas s’appliquerait très bien à la politique des Baléares : Ne garder que le cheptel corvéable et domestiqué au service des très riches.

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