Le journal de Vincent Malbec

L’heure des thés.
Le désespoir pousse en moi. De l’herbe entre les pavés ! En venant chez elle par le bus et le métro, je combats mes pensées noires par de naïves résolutions. J’aimerais lui paraître moins ordinaire, moins vieux aussi et me rendre subtil. Un frôlement d’aile, un thé au lait dans une tasse pervenche.
Je suis jaloux de sa douceur. Elle effleure mes yeux d’un battement de cils. Son regard meurt et revient vers moi, vague lente. Son souffle parfumé de garrigue a des effleurements d’abeille. Son sourire fond, bonbon miel et menthe.
Je veux, pour elle, devenir aérien, un nuage filé par le zéphyr, l’onde tiède d’un champ de blé. Mon sexe nichera dans le sien, aussi gracieux qu’une alouette. Après l’amour, elle m’offrira un thé et je boirai sa bouche bergamote.
Earl Grey.
J’embrasserai ses yeux lotus pour laver leur mémoire. Ils découvriront ma nouvelle apparence : délicate et fragile. Je sucerai ses fruits exotiques sous l’ombrelle en papier de soie qui sert de lustre dans sa chambre. Mes mains recueilleront le flot de ses houles tièdes, le sucre de sa passion pendant que le thé refroidira
Thé vert, thé de chine. Que l’été vienne !
Rêvant à ce nouvel Éden, je sonne à sa porte et j’attends qu’elle m’ouvre en me curant le nez. Elle surprend mon geste et se détourne au moment où j’allais l’embrasser, encore tout reniflant.