Le journal de Vincent Malbec
Douce houle, lune rousse. La mer scintille sous notre nid.
Nous avons grimpé sur la falaise et, couchés sur la prairie brûlée par les embruns, nous entendons le fracas des lames roulant sur le sable. Litière frottée de vent, poussières de foin, étoiles de paille, herbes filantes. En bas la mer va et vient.
Je prends ton visage entre mes mains. Dentelles fougères, ombres légères sur ta peau d’épice. Je t’attire à moi et nous moissonnons callunes et tormentilles. Les fleurs de chèvrefeuilles nourrissent notre souffle. En toi, je retrouve mon unité et l’avenir devient possible.
Je pressens ma vie avec toi, Irina, nos enfants dans ton ventre. Filles et fils des greniers, des jetées infinies, des îles vierges, sève acide des sources, promesses d’univers.
Baume des anciennes blessures, ils seront une revanche sur la mort et l’abandon, la belle récolte du midi des groseilles. Nous les cueillerons au creux de notre désir et les rendrons à l’espace visible. Le flux les déposera, coquillages, aux rives rêvées.
Ces enfants-là franchiront d’un bond nos haies nocturnes et rejoindront la clarté.
Je les entends rire tandis que la mer assaille la falaise et ondule avec nous.