Continuons la lecture des confessions de Vincent Malbec

Au bout de l’avenue, dans l’alignement des immeubles, deux rangées de tilleuls encadrent le miroir du lac qui paraît vertical. Un rectangle de papier alu. J’y descends par un sentier rectiligne qui traverse des pelouses rasées de près. La surface de l’eau, noire et huileuse, est ridée par le sillage des planches à voile. De l’autre côté du lac, la ville étale son reflet de cité engloutie. Des baigneurs s’interpellent, s’éclaboussent. Ça devait être là, dans ces anciennes sablières, qu’enfant je capturais salamandres et tritons.
Je m’allonge sur la plage. Relents de friture, cris joyeux, claquement des plongeons. Il manque le ressac des vagues, le rire des goélands. Le ciel est tramé d’un voile grisâtre. Mon corps tasse un sable lourd, jaune orangé comme de la poudre d’œuf.
Je sors de ma torpeur, quitte mes vêtements, ne conserve que mon slip, tâte du bout du pied l’eau lisse et fade avant de me décider à y pénétrer. Je nage un quart d’heure. J’ai froid. Je regagne le rivage, la peau hérissée. Une jeune femme s’est installée non loin de l’endroit où j’ai entassé mes vêtements. Elle est étendue sur le ventre. Elle ressemble à Lola. Un gamin d’une dizaine d’années lui enduit les épaules d’huile solaire. Je les observe. Elle exhorte l’enfant à rejoindre ceux qui jouent sur la plage. Il reste assis, boudeur. Je fixe la blonde offerte au soleil jusqu’à ce que son regard glisse sur moi. Un courant d’air balayant un tas de feuilles mortes. Elle fouille son sac, prend un magazine et se met à lire.Le soleil n’est plus assez chaud pour sécher mon slip. Acrobate maladroit, je l’enlève en me contorsionnant, abrité par ma chemise, puis j’enfile mon pantalon. Le gamin m’observe en ricanant. Il chausse des palmes trop grandes pour lui, se greffe un masque de plongée sur le crâne et, têtard grotesque, se dandine vers les eaux glauques du lac.