
La pluie a cessé.
Au fil de la départementale, le miel des foins coupés et la senteur chauffée des troènes invitent à la sieste. Je ne sais pas m’arrêter. Je n’ai jamais su.
Je conduis machinalement.
Le 502ème kilomètre meurt sur le cadran. Les premières banlieues d’Ile de France me gâchent le plaisir de rouler. Le béton colmate le paysage. Je me perds parmi le lacis des routes et des échangeurs. La cité s’alanguit sous les rayons roses du couchant, grouillante, percée de meurtrières, hachée de passerelles, lacérée par le bistouri des voies express. Elle fuit en perspectives vertigineuses : jetées de béton, rails de néon, surplombs, tunnels carrelés. Tout va très vite. Feux clignotants, policiers en ribambelles, gyrophares, ambulances bousculant le trafic, sirènes hurlantes, hypermarchés, paquebots métal et verre, jumbo-jets sillonnant l’espace mauve, à l’est entre les méga tours.
Éblouissement.
Les panneaux publicitaires forment un corridor hérissé de couleurs. Les chaussées divisées se superposent, se multiplient. Les perspectives se chevauchent. Le vertige écarte ses parois verticales.
Respirer, respirer…
Un arc électrique pulse sous mes paupières, j’accomplis des gestes automatiques. Le zigzag de magnésium vibrionne sur le côté de mon œil gauche, obscurcit peu à peu mon champ de vision. Je suis aveugle. La migraine grimpe l’échelle de ma colonne vertébrale.
Le moteur émet un ronronnement cotonneux.
Il cale.
Le front sur le volant, j’essaie de me calmer.
Peu à peu, l’orage fuit au fond de mon œil. Je retrouve la vue. J’examine ma figure dans le rétroviseur. J’ai le teint brouillé. Sale comme les façades qui me dominent et gris comme les passants qui m’observent depuis le trottoir.
Klaxons.
Je redémarre, la nuque raide, le nerf optique vrillé. Je me répète mon nom. Tout mon être s’accroche à la parcelle de réalité que je crée ainsi. Ma voix me redevient familière : Calme-toi !Ce n’est que la vie telle qu’elle va. Pas de quoi paniquer…
Oh si, il y a de quoi paniquer, une panique qui gagne même le lecteur.
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Quand on crie : Pas de panique !, c’est qu’il est bien tard pour éviter la catastrophe… Juste une manière de survivre encore un peu.
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la panique c’est la vie aurait dit un grec dont j’ai oublié le nom. Pan ! et tout s’agite dans tous les sens, les molécules et les atomes, ça se dilate à l’infini, puis ça retourne d’où ça vient , d’après les derniers travaux de doctes experts en la matière. Je découvre votre blog aussi 😉 bonne journée
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