
Rouages rouillés du corps.
Un beau matin, mon reflet ride le miroir. Des cailloux noirs crèvent la surface et propagent l’onde augure de ma vie lasse.
Tandis que les cellules de mon corps, aveugles matrices, dupliquent sans répit l’imparfaite copie, le pâle fantôme de leurs atomes, la vie reprend ses doigts, crispés dans mon cœur. Mon sang caille sous ses ongles taillés.
En ma geôle glaciale, j’espère l’aube.
Je cherche la porte, celle des promesses de mon enfance. Les rafales d’ouest mordaient sa peinture et traçaient un archipel. Récifs, atolls brodés d’écume amande. Calme tempête dessinée par l’or des lichens. Où se cache donc le passage que je franchissais, confiant, au temps où je rêvais d’un monde de plénitudes ?
Aujourd’hui, en file grise, ma tribu défile, soumise. Ses murmures glissent sur les carreaux lavés, les bétons, les métaux, les rampes lisses, la pisse en flaques.
Devant moi : la nuque rasée de l’aurore. Derrière : un pas lourd, celui des autres taulards. Pressé par mes geôliers internes je déambule dans la cour pavée. Mes orbites vides fouillent l’air, cherchent le panneau lumineux : EXIT.
Une fois évadé de mon crâne, en mal d’illusions fraîches, je serai libre, chien filant fou de caresses. Je flairerai dans mon cou le souvenir de la laisse, ignorant celle qu’on me tresse. J’oublierai la menace qui plane.
Je forcerai les grilles et rejoindrai les affamés, les anonymes, les apatrides, les massacrés. J’offrirai mes dernières forces aux hommes révoltés. Je leur parlerai. Certains mots sont des armes capables d’abattre les tyrans.
Ceux qui m’écouteront me reconnaîtront. Mes cicatrices ne mentent pas. Personne ne peut nier la parole de ceux qui ont subi des traitements spéciaux.
La vérité jaillira de moi, incandescente.