Un beau matin, son reflet ride le miroir. Des cailloux noirs crèvent la surface et propagent l’onde augure de sa vie lasse.
Tandis que les cellules de son corps, aveugles matrices, dupliquent sans répit l’imparfaite copie, le pâle fantôme de leurs atomes, la vie reprend ses doigts, crispés dans son cœur. Son sang caille sous ses ongles taillés.
Il cherche la porte, celle des promesses de son enfance. Les rafales d’ouest mordaient sa peinture et traçaient un archipel sur le vieux bois. Récifs, atolls brodés d’écume amande. Calme tempête dessinée par l’or des lichens. Où se cache donc le passage qu’il franchissait, confiant, au temps où il rêvait d’un monde de plénitudes ?
Aujourd’hui, en file grise, sa tribu défile, soumise. Ses murmures glissent sur les carreaux lavés, les bétons, les métaux, les rampes lisses, la pisse en flaques. Devant lui : la nuque rasée de l’aurore. Derrière : un pas lourd, celui des autres taulards.
Pressé par ses geôliers internes, il déambule dans la cour pavée. Ses orbites vides fouillent l’air, cherchent le panneau lumineux : EXIT.
Il force les grilles et rejoint les affamés, les anonymes, les apatrides, les massacrés.
Une fois évadé de son crâne, en mal d’illusions fraîches, il est libre, chien filant fou de caresses. Il flaire dans son cou le souvenir de la laisse, ignorant celle qu’on lui tresse. Il oublie la menace qui plane.
Il offre ses dernières forces aux hommes révoltés. Il leur parle. Certains mots sont des armes capables d’abattre les tyrans. Ses cicatrices ne mentent pas. Personne ne peut nier la parole de ceux qui ont subi des traitements spéciaux.