HIVER

TELEMAN

Il habitait une ville d’opérette au kiosque déserté par les orphéons, une cité fière de ses pâtissiers honorés par les guides gastronomiques, de ses noces en dentelles de chantilly sur le parvis de la basilique et tenant sa vraie misère confinée hors des remparts.

Ce qui le rendait triste, c’était d’être proscrit de son être poétique, éloigné de lui même. L’elfe en lui mourait souvent d’une indigestion de saucisses.

Il n’avait pas dormi de la nuit, torturé par mille souvenirs encombrants et retors, s’était levé plusieurs fois pour boire un verre d’eau ou pisser, alternativement. Il avait fini par avaler un comprimé rose avant de se poster à la fenêtre de la cuisine. Une comète givrée insola le ciel vide, un court instant. Ce n’est pas elle qui mettrait le feu au monde… Il but plusieurs verres de gin pour noyer sa logique et regagna son lit.

Le sommeil le prit un peu avant l’aube. Il dormit d’un sommeil troué d’images furieuses et se dressa d’un bond à la première sonnerie du réveil, une heure plus tard. Pris d’un léger vertige,il tituba jusqu’à la salle de bain, migraineux, vulnérable. Il se doucha, se rasa, s’habilla machinalement et la fatigue le plomba d’un coup. Il déjeuna en pensant à la journée qui l’attendait. Une lueur grise filtrait par les rideaux de la baie vitrée. Il frissonna en enfilant son manteau d’hiver et s’affala dans son vieux fauteuil au cuir râpé, face à la télé restée allumée toute la nuit.

Ce matin là, il n’eut pas envie de sortir de chez lui. Peur d’être heurté par un autobus, incapable d’avoir à supporter le sourire mendiant d’un malheureux recroquevillé sur une grille de métro ou le parfum d’une fille trop belle qui le croiserait, indifférente.

A la nuit tombante, il était toujours engoncé dans son fauteuil, le regard vide, devant l’écran vibrionnant.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s